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Proportion trop élevée de maladies mentales.

dernière mise à jour le 11/04/2014

Les maladies mentales ont certainement une multitude de causes environnementales (maltraitance, drogues, stress, traumatismes) qu’il est bien difficile de déterminer avec précision tant les idéologies et croyances dominent les recherches.
Il est aussi de plus en plus évident que les risques de développer des maladies mentales sévères (schizophrénie, maladie bipolaire, autisme ou retards mentaux) sont liés à des facteurs génétiques.

Les biologistes évolutionnistes sont alors confrontés à un problème délicat. Les personnes atteintes de troubles mentaux sévères vivent moins longtemps et ont moins de descendants que les autres. La logique voudrait que les mutations responsables de ces maladies finissent par être éliminées progressivement. Pourtant, on observe l’inverse avec une augmentation de fréquence plus élevée que ce que l’on pourrait attendre d’un taux de mutation usuel.

Dans les pays Occidentaux, l’ensemble de ces pathologies graves dépasse parfois 4% de la population, ce qui est considérable au regard des sciences de l’évolution.
Les partisans du « tout acquis » en concluront que les facteurs environnementaux sont largement prédominants ; les biologistes émettent cependant d’autres hypothèses.
Il pourrait y avoir une sélection positive des formes légères des maladies mentales, car elles conféreraient à leurs porteurs un plus grand pouvoir de séduction (originalité, créativité) donc un meilleur succès reproductif.
Une autre hypothèse, plus solide, suppose qu’il s’agirait de la conjonction de deux facteurs, d’une part le grand nombre de gènes impliqués dans ces maladies, d’autre part le taux élevé de mutations observées dans l’espèce humaine.

On sait que chaque nouveau-né a environ cent nouvelles mutations de son ADN comparé à celui de ses parents. Même si seulement une à deux de ces mutations conduisent à une modification de codage d’une protéine, cela sous-entend une grand potentiel de variabilité.

Pour le retard mental, par exemple, certains auteurs ont observé que plusieurs de ces enfants présentaient des mutations de gènes impliqués dans le développement du cerveau, mutations que l’on ne retrouverait chez aucun des deux parents.

Ce phénomène ajouté à celui de la sélection positive des formes légères pourrait expliquer la proportion élevée de maladies mentales dans notre espèce.

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Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI

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La phrase biomédicale aléatoire

Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem

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